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Page:Haraucourt - La Peur, 1907.djvu/220

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LA PEUR

D’ailleurs, en fait de serments, je n’en avais qu’un dans la conscience : celui de les venger, les deux chères petites victimes, et, si bon chrétien que je sois, je me suis abstenu de faire mes Pâques, afin de n’avoir pas à raconter des secrets que je voulais garder, ou à promettre l’oubli du crime. Vous voyez que je raisonnais ? J’ai toujours raisonné, depuis le commencement jusqu’à la fin, et froidement, ce qui ne refroidissait rien, je vous jure ! Dans notre Espagne, la vengeance est un plat qui reste toujours chaud : on a trop de soleil dans les veines, pour que le cœur se refroidisse. Et maintenant encore, quand j’y repense, quand j’en parle…

Vous ne me connaissez pas, personne ne me connaît ! Qu’est-ce qu’on sait de moi ? Mon nom, Enrique Jarguina, qui me donne, au gré des badauds, un air de sorcier avec une odeur de roussi, comme si mes ancêtres avaient passé par les mains du Grand Inquisiteur, ce qui est bien possible. Quoi encore ? On sait que j’ai appartenu au service de la Sûreté, à Barcelone, et qu’on m’a congédié, pour indiscipline, propos d’anarchiste. Un point, c’est tout ! Dans les journaux, il y a