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Page:Henriet - Le paysagiste aux champs, 1876.djvu/135

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LE PAYSAGISTE AUX CHAMPS.

« Est-ce que tu mets ta comptabilité à jour ? Je serais curieux de contempler un paysagiste passant ses écritures en partie double.

— Enfantillage, vas-tu dire ! mais j’aime à noter le soir l’incident de la journée, l’impression de ma séance, le mot naïf du paysan qui passe, la locution pittoresque qui me frappe par son goût de terroir et sa rusticité ; et puis il y a encore les méditations des jours de pluie…

— Un manuscrit ? mauvaise affaire, mon pauvre ami ! Un peintre qui tombe en littérature, c’est un homme à la mer… Au lieu d’éparpiller nos efforts, au lieu d’exercer concurremment plusieurs facultés différentes, nous devons nous attacher à développer exclusivement l’aptitude spéciale qui nous fait peintres, et, dans cet ordre restreint, la qualité maîtresse qui doit un jour faire notre force. Ne sais-tu donc plus comment nous jugeons, aux Salons, les œuvres de ces peintres à tempérament littéraire, œuvres pondérées avec goût, mais sans accent ni puissance, parce qu’elles se perdent dans une mièvre ingéniosité, et sont conçues, la plupart du temps, sous l’empire de préoccupations étrangères à l’optique particulière du peintre ?