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Page:Henriet - Le paysagiste aux champs, 1876.djvu/139

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LE PAYSAGISTE AUX CHAMPS.

Alors commence, pour le peintre, ce long tête-à-tête avec la nature qui lui met en l’âme mille joies honnêtes et inspire à son pinceau toutes sortes de vaillantes audaces. Il se plonge, six mois durant, dans une saine orgie de lumière, de verdure, de senteurs vivifiantes. C’est une fête de tous les jours, où rien ne le distrait de sa préoccupation exclusive, où pas un instant n’est perdu pour l’art ; car il n’est pas jusqu’à son repos qui ne soit occupé. Ses heures oisives en apparence ne sont, en réalité, qu’une continuelle méditation. Quand son pinceau s’arrête, son œil travaille encore au profit de la mémoire qui s’enrichit d’innombrables remarques. Il observe, compare, fouille les profondeurs des crépuscules, analyse les finesses des pénombres, caresse les modulations de la ligne, ou suit, rêveur, le nuage frangé d’argent qui glisse à l’horizon. Ces longues et silencieuses extases décuplent la puissance de pénétration de son regard, qui lit dans les nuages et voit dans la nuit.

Que Paris est loin alors ! Et que lui font l’écho du boulevard, le mot en faveur, le hochet du jour, maintenant qu’il a coupé l’amarre qui l’attachait à la vie réelle pour voguer en plein