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Page:Histoire abrégée de l'île Bourbon, 1883.djvu/144

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62. Au début de sa tournée, le Commissaire eut à dissiper les préjugés répandus contre le livret. Les noirs de Saint-Paul refusèrent d’abord de l’accepter, mais, convaincus par la parole du Chef de la colonie, ils avouèrent naïvement qu’on les avait trompés ; leur empressement à s’engager fut tel que les bureaux ne désemplissaient pas, même durant la nuit.

Dans chaque localité, M. Sarda visitait d’abord les principaux établissements, afin de rassurer les uns, encourager les autres, témoignant ainsi ua égal intérêt à tous, puis il s’installait sur la place de l’église pour haranguer les noirs, leur faire comprendre la nécessité du travail, la fidélité à leurs maîtres et l’utilité des livrets. Aux paroles d’encouragement, il joignait la menace contre l’oisiveté, le vagabondage et les vices qui en sont les suites, affirmant sa résolution de punir sévèrement les fauteurs de désordre. Un religieux respect dominait cette foule, avide d’entendre le Commissaire qu’elle appelait son père. Après l’avoir entendu, tous promettaient obéissance et fidélité à leurs patrons, tous s’empressaient de prendre l’engagement et le livret.

Au départ, les noirs, massés en avant et en arrière de sa voiture, escortaient M. Sarda jusqu’à l’entrée du quartier voisin ; ils luttaient de vitesse avec les chevaux en chantant sur tous les tons les refrains qui leur semblaient propres à exprimer leur joie. Des qu’on atteignait les premières maisons, le Commissaire les exhortait à retourner chez leurs maîtres et prenait congé d’eux. Ces hommes, exaltés par leurs cris et une