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Page:Histoire des quatre fils Aymon, publication 1840.djvu/231

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afin que nos gens mangent. Richard lui dit : Ce ne sera pas le mien ; et si vous avez envie de manger, faites tuer le vôtre, car vous n’aurez pas le mien, et si vous en avez besoin, vous le méritez bien ; c’est par votre orgueil que nous sommes en cet état ; si vous m’eussiez cru, vous n’auriez pas laissé aller Charlemagne, et nous ne serions pas en cette misère. Le petit Aymon vint ensuite et dit à Richard en cette manière : Mon oncle, tout ce qu’on ne peut faire, on doit le passer le mieux qu’on peut, il ne faut jamais répéter le passé ; mais faites ce que mon père vous commande ; s’il a manqué son attente, il le paie sûrement cher. Richard entendant son neveu parler si sagement, en eut pitié et dit à Regnaut : Faites tuer mon cheval quand il vous plaira ; donnez-en à manger à madame votre épouse et à mes petits neveux, car mon neveu Aymon que voici, mérite bien à manger pour le bon conseil qu’il m’a donné. Frère, dit Allard, faites tuer celui que vous voudrez, excepté Bayard, car celui-ci ne mourra point, et ce serait grand dommage ; je vous jure que j’aimerais mieux mourir que Bayard fût détruit. Frère, dit Richard, vous avez raison. Alors on fit tuer le cheval de Richard et on le mangea. Regnaut, voyant qu’il n’y avait plus à manger, était plus fâché pour ses frères et sa femme que pour lui-même ; alors il dit : Je suis perdu sans ressource ; il eût mieux valu croire mon frère Richard, et je ne serais pas dans la misère où je suis. Je vois bien que Charlemagne a tant machiné, qu’il m’a pris dans ses filets et je n’en puis échapper. Je sais que je ne dois m’en prendre à personne,