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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/296

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mais il suffisoit qu’ils ne lui fussent pas conformes[1].

  1. Il est évident qu’aucun Indien ne peut être sûr par expérience que l’eau ne gele point dans les climats froids : la nature est supposée ici dans une situation qui est tout-à-fait inconnue à l’Indien ; & il lui est impossible de dire à priori ce qui en doit résulter. Il s’agit d’une nouvelle expérience, dont la suite est toujours incertaine : on peut quelquefois la conjecturer par analogie, mais, après tout, ce ne sont que des conjectures. Et il faut convenir que dans le cas présent, la congélation est un événement tout-à-fait contraire aux loix de l’analogie, & tel qu’aucun Indien raisonnable ne s’y fût attendu. L’action de froid sur l’eau n’est pas graduelle, ni proportionnée aux degrés de froid : dès que l’eau parvient au point de la congélation, elle passe, dans un moment, de la dernière liquidité à une dureté parfaite. Un événement pareil mérite donc le nom d’extraordinaire, & demande un témoignage très-fort pour devenir croyable aux habitans d’un climat chaud ; cependant, il n’est pas miraculeux : il ne contredit pas l’expérience uniforme du cours de la nature dans des cas où toutes les circonstances sont données, & sont les mêmes. Les habitans de Sumatra ont toujours vu l’eau liquide dans leurs pays, & la congélation de leurs rivières devrait passer pour un prodige ; mais ils n’ont jamais vu de l’eau en Russie durant l’hiver. C’est pourquoi ils n’ont aucune bonne raison de se décider sur les conséquences qui en résulteroient. Note de l’Auteur.