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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/380

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Essais.

objets externes. À mesure que nous nous éloignons d’un objet, nous le voyons diminuer en grandeur ; & cependant cet objet réel, qui existe indépendamment de nous, ne souffre aucun changement : ce qui se présentoit à notre esprit, n’étoit donc autre chose que l’image. C’est ici un des plus simples enseignemens de la raison : & jamais il n’est arrivé à un homme qui réfléchit, de douter que les existences que nous considérons, en disant cet homme, cet arbre, fussent quelque chose de plus que des perceptions de l’esprit, & des copies ou des représentations passageres d’autres êtres, qui conservent leur uniformité & leur indépendance.

Jusques-là donc le raisonnement nous force d’abandonner, ou de contredire, les premiers instincts de la nature, & d’embrasser un nouveau systême par rapport à l’évidence de nos sens. Mais, dans quel extrême embarras se doit trouver ici la philosophie, lorsqu’elle entreprend de justifier ce systême en allant au-devant des chicanes & des objections de scepticisme ? Elle ne sauroit plus soutenir cet instinct infaillible & irrésistible