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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/385

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Philosophiques.

dans l’ame, & non dans les objets, la même conséquence doit avoir lieu à l’égard de celle-ci. Rien ne peut nous en sauver, si ce n’est de dire que les idées de ces qualités premieres s’acquierent par voie d’abstraction, ce qui, à le bien examiner, est inconcevable, & même absurde. Une étendue qui n’est ni tangible, ni visible, ne sauroit être conçue : & une étendue tangible, ou visible, qui n’est, ni dure ni molle, ni noire ni blanche, est également hors de la portée de notre conception. Que quelqu’un essaie de concevoir un triangle en général, qui ne soit, ni isoscele, ni scalene, & qui n’ait aucune aire particuliere, ni aucune proportion déterminée de côtés. Il s’appercevra bientôt de l’absurdité de toutes les notions de l’école au sujet des abstractions & des idées générales[1].

  1. Cet argument est pris du Docteur Berkeley. Et en effet, la plupart des ouvrages de cet ingénieux Écrivain sont les meilleures leçons de scepticisme que l’on puisse rencontrer, soit chez les philosophes anciens, soit chez les modernes, sans même en excepter Bayle. Il déclare cependant, au titre, & sans doute avec beaucoup de vérité, qu’il a composé son livre contre les sceptiques, aussi bien