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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/391

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Philosophiques.

ment incompréhensible comment une idée claire & distincte peut renfermer des circonstances contradictoires avec elle-même, ou qui répugnent à une autre idée claire & distincte : & c’est peut-être là de toutes les propositions la plus absurde qu’on puisse former. Rien donc de plus sceptique, rien de plus rempli de doutes d’incertitude, que ce scepticisme même qui naît des conclusions absurdes de la géométrie, ou de la science de la quantité[1].

  1. Il ne me paroît pas impossible d’éviter ces absurdités & ces contradictions, en admettant qu’a proprement parler il n’y a point d’idées abstraites ou générales : & que toutes celles à qui on donne ce nom, ne sont, en effet, que des idées particulieres attachées à un terme général, qui, dans l’occasion, rappelle d’autres idées particulieres, semblables, à certains égards, à l’idée qui est alors présente à l’esprit. Ainsi, le mot de cheval étant prononcé, nous nous formons immédiatement l’idée d’un animal, noir ou blanc, d’une taille ou d’une figure déterminée. Mais, comme ce terme s’applique aussi à des animaux d’une figure & d’une taille différente, ces idées, quoiqu’elles ne soient pas actuellement présentes à l’imagination, s’y retracent pourtant aisément, nos raisonnemens & nos conclusions procédant comme si elles existoient. Ceci étant admis, comme il paroît raisonnable de l’admettre, il s’ensuit que toutes les idées de quantité sur lesquelles les mathématiques roulent, ne sont que des idées particulieres, fournies par les sens & par l’imagi-