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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/481

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Philosophes.

peuple, ignorant & stupide, se laisse aller aux penchans que la nature lui inspire, aussi n’a-t-il aucune prétention à la philosophie ; ce n’est pas à ses usages qu’on peut appliquer cette médecine de l’ame, tant vantée par les philosophes. Que dis-je ? Le sage, & même celui dont les spéculations sont les plus profondes, obéissent encore au souverain empire de la nature : malgré tout leur art, & toute leur industrie, il n’est pas toujours en leur pouvoir de réprimer la fougue du tempérament, & d’atteindre à ce caractere de vertu qui fait l’objet de tous leurs vœux. La philosophie n’a que peu de vrais sectateurs ; & sur ceux-là même elle n’a qu’une autorité très-foible & très-bornée. On peut sentir le prix de la vertu : on peut souhaiter d’être vertueux ; mais cela ne suffit pas pour le devenir.

Jetez un regard libre sur le train des actions humaines ; vous verrez que le naturel & le tempérament sont presque tout, & que les maximes générales n’ont gueres de pouvoir sur nous, lorsqu’elles ne s’accordent pas avec nos penchans. Un homme n’a-t-il