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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/82

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Essais.

le plus brillant de la poésie, ses peintures les plus naturelles, ne nous feront jamais prendre la description d’un paysage pour le paysage même. La plus forte demeure toujours au-dessous de la sensation la plus foible.

Cette distinction s’applique à toutes les perceptions de l’esprit : l’homme est affecté bien différemment dans un accès de colere que lorsqu’il ne fait qu’y penser après coup & de sens froid : vous me parlez d’une personne transportée d’amour ; je comprends le sens de vos paroles, & je me fais une idée juste de l’état qu’elles expriment ; mais jamais cette idée ne me trompera au point que je croie sentir moi-même le désordre & les agitations que l’amour excite. Nos sentimens passés sont réfléchis dans notre imagination comme dans un miroir fidele ; c’est un peintre qui fait ses portraits d’après nature ; mais ses couleurs sont fades & éteintes en comparaison de celles dont les perceptions étoient revêtues. Il n’est besoin, ni d’un discernement fort délicat, ni d’un esprit métaphysique, pour faire cette observation.