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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/84

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Essais.

Au premier aspect, rien ne paroît plus libre que la pensée : c’est peu quelle brave toute l’autorité des puissances de la terre ; les bornes de la nature & de la réalité sont trop étroites pour la contenir : Il ne lui en coûte pas plus de produire des monstres & des figures grotesques en réunifiant les choses les plus discordanres, que de concevoir les objets les plus naturels & les plus familiers. Tandis que notre-corps se traîne péniblement sur cette planette, la pensee nous transporte aux régions les plus éloignées de l’Univers y au-delà même de ses limites, dans ces espaces immenses où l’on a placé l’empire du chaos, la confusion totale de la nature & des élémens. Rien ne soustrait à ce pouvoir ; ce qu’on ne vit, ce qu’on n’entendit jamais, pourvu qu’il n’implique point contradicton, l’esprit le conçoit.

Cependant, quelque illimitée que puisse paraître cette liberté, un examen plus mûr nous la montrera resserrée dans des bornes très-étroites ; & ce pouvoir créateur de l’ame se réduira à celui de composer, de déplacer, d’augmenter ; & de diminuer les matériaux