Aller au contenu

Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
LE MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS

barie dégoûterait d’une musique délicate qu’il se serait ingérée et qu’il rendrait, lorsque son maître, tournant la clef de l’irrigateur, refoulerait des mélodies plein ses tuyaux.

Ah ! si ce projet se réalise, nous en verrons de belles ! — Ce n’est donc pas assez que le premier venu puisse copier à la grosse les meubles du Musée de Cluny ! Je sais bien que l’on n’est pas obligé de les acheter, mais il faut bien les voir puisqu’ils emplissent des boulevards entiers et des rues ! — Et que sont ces boutiques à côté de ces magasins de faux Sèvres et de faux Saxe dont le boulevard Saint-Germain regorge ? Tous les pots d’un bleu bête de turquoise lavée, ou d’un bleu lourd d’indigo, mastiqués de grecques en or mat, s’étalent, montés sur du cuivre de robinet, blasonnés sur le ventre de médaillons, de guirlandes de myrtes et de roses au centre desquelles des Estelle et des Némorin lutinent. L’horreur de cette vaisselle est incomparable et, quoi qu’on fasse, même en changeant de trottoir, il faut qu’on la subisse, car l’œil attiré par cette couleur crue s’égare quand même vers elle et s’y attarde ; il y a là une impulsion forcée, morbide, l’attraction de