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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/166

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CERTAINS

chaufferette, tout ce que l’on voudra ; cette bâtisse puait le grec, le romain, le premier Empire, toutes les senteurs d’architecture les plus nauséeuses et les plus fades ; d’accord, mais cette odeur s’est maintenant évaporée ; le feu a désagrégé ce fastidieux amas de pierres, éventré la lourde panse, décoiffé enfin la tête de cette vieille bourgeoise dont il a fardé de rose et de vert le blanc grincheux du teint.

La carcasse de cette bâtisse est subitement devenue auguste ; ses colonnes si patraques et si lourdes se sont allégées et elles filent presque altières dans le ciel. Par les cadres déserts des fenêtres et des portes, par les fentes du gros œuvre, par les trous des murs de refend, le soleil entre, éclaire les blessures fermées des flammes, caresse le bloc charbonneux des poutres, glisse sur le jais des moellons calcinés, orange la rouille des fers, rosit les briques, blondit les plâtres, dore du haut en bas l’immense cage où des milliers de corbeaux tournoient.

Au lieu d’une caserne affreuse, l’on a un palais écroulé de Rome, une fantaisie babélique, une eau-forte de Piranèse avec ses voûtes inachevées, ses arches perdues, ses galeries courant