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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/167

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LE MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS

en l’air, s’interrompant, sautant par dessus le vide, ses masses colossales d’arceaux s’entrecroisant, les uns dans les autres, se barrant la route, se dégageant, se rejoignant encore par des baies taillées en pleins nuages, toute une architecture de rêve, tout un cauchemar de colonnes abruptes, taillées à coup de haches, dans la congestion d’un sommeil fou !

Puis une miniature de forêt vierge pousse sous les voûtes de ces ruines ; des arbres s’élèvent de toutes parts ; partout des arbustes ont descellé les dalles et des saxifrages ont brisé le marbre des terrasses ; partout des mousses vertes appuient le ton rose incrusté par le pétrole sur l’épiderme de certaines pierres, partout des jardins suspendus se balancent au-dessus des arbres, des jardins apportés par des bourrasques, des parterres minuscules, des allées frayées par les moineaux qui s’y battent, des petits champs en friche sur des pans de murs, des bois de platanes nains, des corbeilles de fleurs sauvages, aux germes semés par un coup de vent !

Encore dix années et, avec l’aide d’un respectueux décorateur, l’on obtiendrait un fragment de Palmyre ou de Sardes, un tronçon de cité