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Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/158

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CHAPITRE XVIII

Le plan d’un grenadier de la Garde


Depuis près d’un an, l’Empereur gouvernait l’île d’Elbe. Il avait une armée de 673 hommes, exilés volontaires de son ancienne garde, Polonais fidèles au malheur, et quelques demi-solde qui l’avaient rejoint.

Il avait une marine composée du brick l’Inconstant, de la goélette la Caroline, la felouque l’Étoile, des avisos la Mouche et l’Abeille.

Bertrand, Drouot, Cambronne, Mallet, Combe, Larabit, Noisot, Emery commandaient les soldats. Taillade, Chautard, Sari, dirigeaient son escadre.

Sans cesse, ses navires se rendaient à Naples, à Livourne, à Gênes, et les stationnaires, anglais ou français, qui surveillaient étroitement les abords de l’île d’Elbe, s’étaient accoutumés à voir flotter le pavillon blanc à la bande rouge constellée d’abeilles d’or.

L’Empereur semblait absorbé par l’administration de sa mince principauté. Routes, pêche, mines, reboisement, culture, il s’occupait de tout, imprimant à tout une impulsion puissante.

Il mettait sa prodigieuse activité au service des Elbois.

Avec cela simple, courtois envers tous, partageant son temps entre le travail, les visites à sa mère, Mme Lætitia, les fêtes organisées par sa rieuse et bonne sœur Pauline.

Parfois, durant deux ou trois jours, il recherchait la solitude. Alors Drouot seul l’approchait, et Marchand, le premier valet de chambre, disait mélancoliquement :

— Il pense au pauvre petit chou !

Le pauvre petit chou, c’était le roi de Rome.

L’Empereur s’abandonnait à la douleur du père, devinant qu’il ne reverrait plus, ni l’épouse indigne, ni l’enfant chéri.

Étonné de la facilité avec laquelle le héros s’était façonné à sa nou-