Aller au contenu

Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Il est toujours prisonnier, Denis Latrague ?

— Toujours, sois tranquille.

— Enfin, rejoignons nos amis, ils doivent s’impatienter.

Bobèche acquiesça du geste à cette proposition, et tous deux, quittant la rue, s’engagèrent dans le terrain vague, couvert d’une herbe pelée, qui bornait le Clos Noir du côté de l’hôpital Saint-Louis. Au bout de vingt-cinq pas, ils s’arrêtèrent devant, une porte bâtarde percée dans le mur de clôture. Henry frappa cinq fois d’une façon particulière. La porte s’entr’ouvrit et une voix assourdie murmura :

— Que demandez-vous ?

— Des fleurs.

— Lesquelles ?

— Des violettes plus parfumées que les lys[1].

Le battant s’ouvrit au large, et un organe sonore prononça :

— Entrez, entrez ! Pax vobiscum ! Le pope Ivan Platzov observe la consigne ; mais il vous avait reconnus, vous, les amis chers à l’Empereur.

C’était en effet le pope Ivan Platzov, que nous avons vu promener son ébriété parmi les angoisses de la campagne de France[2].

Mais l’ivrogne était méconnaissable. La chute de l’Empire, amenée en partie par son goût immodéré pour le jus de la vigne, l’avait bouleversé.

Il s’était traîné aux genoux d’Espérat, sollicitant son pardon, jurant qu’il voulait travailler à ramener sur le trône le grand capitaine, dont il avait précipité la chute.

Par les plus terribles serments il avait promis en latin, en russe, en français, de ne plus récréer son palais d’une goutte de vin, jusqu’au moment où l’Empereur serait de nouveau maître de la France. Et il avait tenu parole.

De l’eau seule-

  1. La violette est la fleur impériale, comme le lis est celle de la royauté. Ce mot d’ordre fut adopté par M. de La Valette.
  2. Voir la Mort de l’Aigle.