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Page:Ivoi - Les grands explorateurs. La Mission Marchand.djvu/212

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sont coutumiers, répandre la terreur dans toute la vallée niliaque.

C’est alors qu’eut lieu la « boucherie d’Ondourman ».

Les Anglais passèrent la nuit sur leurs positions, sans qu’un brancardier dépassât les lignes des sentinelles pour aller porter secours aux blessés dont les gémissements s’élevaient, en un affreux murmure, de la plaine ensanglantée.

Au jour, les bataillons noirs furent formés sur le front de bataille de la veille, et on leur ordonna de marcher en avant.

C’était les obliger à traverser le terrain couvert de morts et de blessés.

C’était condamner tous ceux qui respiraient encore à être achevés.

Car l’usage des troupes noires est constant.

Les blessés ne sont jamais épargnés.

Quelques lignes, tracées par des plumes britanniques, ont dépeint l’horrible scène, qui fait donner par des compatriotes mêmes du sirdar le nom de Charnier d’Ondourman, à la plaine où la rencontre a eu lieu.

Voici ce que raconte un témoin oculaire, M. E.-N. Bennett, correspondant de la Gazette de Westminster.

Celui-ci accompagnait la brigade indigène du colonel Lewis, et il s’exprime ainsi dans un long article, publié par la Contemporary Review.

De pauvres diables, à l’agonie, avaient rampé jusqu’à l’ombre étroite d’un rocher ou d’un arbrisseau ; ils furent frappés jusqu’à la mort ou criblés de balles ; les meurtriers, dans leur brutalité irresponsable, avaient peur à ce point des Derviches, même abattus, qu’ils tiraient à plusieurs reprises sur des cadavres, avant d’oser les dépouiller. Les pillards étaient si maladroits que leurs balles ricochaient dans toutes les directions et que quatre hommes de Warwicks passent pour avoir été mis par eux hors de combat. C’est un scandale que des scènes aussi révoltantes aient été permises sous les yeux d’un général anglais.

Le carnage ne fut pas seulement l’œuvre des valets arabes. Des ordres furent donnés de tuer les blessés.

Les Derviches, gisant sur le sable, étaient hachés à coups de baïonnettes ou percés avec leurs propres lances ; ceux qui, à quelque distance des lignes, étaient capables, pour leur