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Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/37

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L’HÉRITAGE DE LA « FRANÇAISE ».

sine, des fers tout neufs, des surveillants auxquels on confierait sa tête.

— De quels fers, de quels surveillants parles-tu, mon garçon ?

La question de Labianov rendit quelque sang-froid au brigadier.

— Ah ! je vous demande pardon, Excellence, mais vrai de vrai, on perdrait la cervelle à moins.

— Retrouve-la pour nous conter ce qui nous vaut ta visite tardive.

— Vous avez raison, Excellence… c’est pour cela même que je suis venu… Mais les Lanternes de Pinsk m’ont tellement déconcerté, que je ne savais plus ce que je voulais.

Les Lanternes de Pinsk, c’est ainsi que les moujiks nomment, avec une superstitieuse terreur, les feux follets errants sur les marais de Pinsk.

Pour que Bolesine osât invoquer ces effrayants follets, il fallait que l’incident revêtit à ses yeux une gravité exceptionnelle.

— Enfin, parle, ordonna le gouverneur, pris par une impatience allant jusqu’à l’angoisse.

— Eh oui, parlez, appuya M. Kozets.

— Ainsi fais-je, Excellence. Il y a cinq minutes… je faisais la première ronde de nuit dans les baraquements…

— Il est donc plus de onze heures…

— Onze heures sonnaient comme j’entrais dans la baraque de ce Turkmène, le 12, que vous m’avez confié tantôt.

— Oui. Eh bien ?

— Je l’avais mis aux fers : les fers rivés aux poignets et aux chevilles ; la chaîne fixée par un écrou dans les planches du lit. J’avais installé un garde, de chaque côté du prisonnier.

— Achève, de grâce.

— Le 12 a disparu, et ses fers brisés sont sur le lit.

Le général échangea un regard avec M. Kozets.

— Vous entendez ? semblait-il lui dire.

Mais revenant à Bolesine.

— Et les gardes ?

— Un autre forçat du même baraquement m’a affirmé qu’ils s’étaient évanouis.

— Tous les deux ?

— Tous les deux, oui, Excellence, et que le 12 les avait juchés sur une brouette pour les conduire à l’hôpital.

— Tu t’en es assuré ?