Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/265

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

alimentées par les pompes du pont Notre-Dame et de la Samaritaine mises en état de donner toute l’eau qu’elles peuvent fournir. Le ministre fera un rapport sur tous les autres moyens qu’il jugera propres à faire atteindre le but que le gouvernement se propose d’employer pendant l’hiver tous les maçons, manœuvres, etc., sans ouvrage….

Le conseil, consulté sur les moyens de faire descendre le prix du pain à 10 sous, n’en discute qu’un seul, celui des primes aux boulangers. Il paraît se fixer à l’opinion que ce moyen dont les résultats seraient incertains pourrait être, sinon entièrement inutile, du moins dangereux. Il pense sur le troisième objet qui serait de faire adopter aux ouvriers et aux pauvres l’usage d’un pain de qualité inférieure que les habitudes de la classe qui vit du travail de ses mains, ses préjugés, ses dispositions naturelles, ne permettent pas d’espérer beaucoup de succès de cette mesure.

Le premier consul, pour procurer des secours aux citoyens indigents et accoutumer à la consommation de pain de qualité inférieure, charge le préfet de police de désigner un boulanger par section pour faire du pain à 14 sous. Il autorise le ministre de l’Intérieur à affecter 100 000 fr. par mois aux comités de bienfaisance qui délivreront aux indigents des cartes de pain sur ces boulangers. Le préfet de police s’informera du nombre des cartes qui seront distribuées chaque jour aux indigents par les comités de bienfaisance ; il fera mention de ce nombre dans le rapport journalier qu’il adresse au premier consul. Il prendra toutes les mesures nécessaires pour maintenir dans Paris le prix du pain de consommation ordinaire d’un « taux uniforme ». À ce compte rendu officiel témoignant des préoccupations du gouvernement, nous tenons à joindre un mémoire[1] bien fait, clair et précis qui donne sur les conditions générales de la culture du blé pendant plusieurs années, des notions assez complètes.

Ce mémoire est divisé en paragraphes. La première partie qui traite d’idées générales peut être laissée de côté ; elle tend à démontrer que les gouvernements ne doivent pas cacher l’état réel des récoltes et qu’il faut, au contraire, savoir dire qu’une récolte est mauvaise.

Récolte mauvaise. — Oui, la récolte des blés est mauvaise, les blés sont déjà rares ; le pain sera d’une cherté excessive pour la masse du peuple. Il faut que je sois bien convaincu de ce que j’avance, puisque je ne crains pas de prendre un ton aussi affirmatif… Il a été répété dans les feuilles publiques que tous les départements avaient récolté une riche moisson. Je ne scruterai pas jusqu’à quel point il a été convenable que cette opinion fut accréditée : il y avait sans doute de la sagesse à ne pas avouer notre maladie interne lorsque d’importantes négociations avaient lieu. Peut-être aussi a-t-on été

  1. Archives Nationales. AF4 1318. « De la Récolte des Blés et de l’Approvisionnement de Paris. » 9 frimaire an X (30 novembre 1801).