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Page:Jean Tarnowski - Ukraine et Galicie.pdf/5

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dants, parmi lesquels Vladimir, qui, au dixième siècle, s’empara de Kiev et des terres qui en dépendaient et en forma le duché de ce nom.

Il est donc inexact de prétendre que ces pays, auxquels l’auteur donne le nom d’Ukraine, aient acquis leur indépendance au neuvième siècle, ou qu’ils l’aient conservée à partir de cette date. C’est justement l’époque où ils la perdirent. De Républiques libres qu’ils étaient jusqu’à l’invasion des Varègues, comme tous les pays slaves de l’Est, à ce moment, sauf la Pologne, qui était une monarchie élective nationale, avec la dynastie polonaise des Piasts, ces pays, conquis par les Varègues, furent changés par eux en monarchies héréditaires, étrangères et absolues.

Quant à la Ruthénie Rouge, après l’avoir séparée de la Pologne, Vladimir en créa le duché de Halitch, avec capitale du même nom, qui échut, dans la suite, à un des descendants de Vladimir, Danilo, le même dont parle l’auteur.

Ces princes Varègues, turbulents et d’esprit aventureux, faisaient tantôt des incursions en Pologne, profitant de ce que les Polonais étaient occupés ailleurs, généralement à se défendre contre les Allemands, tantôt se réfugiaient en Pologne, y cherchant aide et secours pour reconquérir leurs trônes dont ils avaient été dépossédés, soit par des rivaux, soit par leurs propres sujets.

Parmi ces incursions, il faut citer : celles de Vladimir duc de Kiev, à la fin du dixième siècle, qui coûtèrent à la Pologne la perte de la Ruthénie Rouge ; celle de Jaroslav, fils de Vladimir et qui fut battu, en 1018, par le roi de Pologne, Boleslas-le-Grand (Boleslas Ier) ; celles de Roman, duc de Halitch, battu par le roi de Pologne Alexandre, en 1205, et qui périt dans cette campagne, à la bataille de Zawichost ; celle de son fils Danilo, duc de Halitch, qui profita d’une invasion de la Pologne par les Tartares, pour s’emparer de Lublin avec leur aide, en 1245.

Quant aux expéditions polonaises entreprises en faveur de ces princes, elles étaient par exemple : celle en faveur de Swiatopelk, fils aîné de Vladimir, et chassé de Kiev par son frère cadet Jaroslav, en 1017, et replacé sur le trône par Boleslas Ier, en 1018 ; celle en faveur de Roman, duc de Halitch, chassé de ses États par ses sujets, en 1195, et replacé sur le trône par les Polonais ; celle en faveur e Danilo, fils de Roman, duc de Halitch, chassé trois fois par ses sujets : en 1205, l’année de la mort de son père, et ensuite en 1213 et 1222, et trois fois replacé sur le trône par le roi de Pologne Alexandre, dit Leszek. Ce qui n’empêcha pas Danilo de s’attaquer à la Pologne, en 1245, comme l’avait fait son père Roman, en 1205.

À chacune de ces occasions, où les Polonais replaçalent sur le trône les ducs de Halitch, la Ruthénie Rouge cherchait à revenir à la Pologne, les chroniques du temps en font foi. Mais les Polonais ne voulant pas donner de prétexte, pour s’attaquer à la Pologne, à ces princes aventuriers, qui, dans ce but, étaient toujours d’accord, préféraient leur faire réintégrer leurs États et y mettre un peu d’ordre. Cela explique les nombreuses expéditions polonaises en pays ruthènes, expéditions policières sans but de conquête, mais dans celui d’assurer la paix aux frontières polonaises.

Au cours d’une de ces expéditions, le duché de Przemysl, qui formait une partie du duché de Halitch, et qui ne voulait en aucune façon rentrer sous la domination du prince Danilo, se réunit à la Pologne, en lui forçant la main. Przemysl ferma ses portes à ce prince Varègue et se déclara territoire polonais (1213). Le reste du duché de Halitch que le roi de Pologne ne réussit pas à rendre à Danilo, mais qu’il ne voulait pas prendre pour lui, se donna à la Hongrie, en appelant au trône Coloman, fils d’André, roi de Hongrie. Coloman s’étant montré aussi arbitraire que le Varègue Danilo, et, intolérant au point de vue confessionnel, les Haliciens le chassèrent à son tour, et se tournèrent de nouveau vers la Pologne. Le roi de Pologne, au lieu d’annexer ce duché qui s’offrait à lui, remit sur le trône le transfuge Danilo, et l’aida à pacifier ses États.

À peine le duché de Halitch était-il pacifié, que survint la première invasion des Mongols, en 1224, répétée en 1237, 1239 et 1240. Les Tartares s’emparèrent de Moscou, de Nowgorod et envahirent toute la Ruthénie avec le duché de Kiev et celui de Halitch, une partie de la Hongrie, de la Pologne, et ne furent arrêtés qu’à Lignitza, en Silésie (1241), par les débris des forces polonaises reformées sous les ordres du duc de Silésie, Henri le Pieux, de la dynastie des Piasts, maison royale de Pologne. L’élan des envahisseurs était brisé, mais comme Moscou et Kiev, le duché de Halitch du subir la domination tartare. Le prince Danilo et ses successeurs durent rendre hommage à leurs suzerains, les Grands-Khans de la Horde, dite la Grande-Horde. C’est ainsi que se présente, en 1253, l’indépendance des États de Danilo, dont parle l’auteur, et qu’il nomme roi de Galicie.

À Danilo, mort en 1266, succéda au trône de Halitch, son fils ainé Swarno et à celui-ci, mort sans enfants, son frère cadet Léon Ier, fondateur de la ville de Léopol (Lemberg Lwow). Ce n’est pas Danilo, comme l’auteur le prétend, mais Léon Ier qui fonda la ville de Léopol (Lwow). Lwow veut dire en polonais et en ruthène : la ville des lions. Cette ville portait ce nom en mémoire de son fondateur, dont le nom signifie « lion ». C’est pour la même raison que la ville de Léopol possède dans ses armoiries un lion d’or, sur fond d’azur. L’azur représente ici la mer. Le duché de Halitch s’étendait alors jusqu’à la