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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/136

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


civile qu’ils n’y auraient pas provoqué dans un pire langage. Pendant que Drumont et ses congénères invitaient « le peuple » à recommencer au plus tôt contre Loubet, les socialistes poussaient à d’autres violences « contre la réaction de salon et de lupanar[1] », et « le tas de scélérats et de coquins à plumes d’autruche que réclamait le bagne[2] ». Alors qu’il n’y avait de remède à une situation redevenue tout à coup périlleuse que le sang-froid, tous en manquèrent. De Guyot à Clemenceau, il n’y avait qu’une voix, dans la presse revisionniste, pour réclamer la mise en accusation, l’arrestation immédiate de Mercier comme réponse au coup de canne de Christiani. Loin de comprendre que la victoire qu’ils avaient aidée à remporter, que d’avoir eu raison, des premiers, contre tout le monde, leur faisait d’un peu de réserve une obligation politique, ils ordonnaient, commandaient. Jaurès écrivit que « la Chambre serait coupable de forfaiture envers le pays si elle ne mettait pas Mercier en accusation ». On n’avait gagné encore qu’une bataille ; la plus dure restait à livrer. On ne s’y fût pas pris autrement pour la perdre, pour faire le jeu sournois de Dupuy. Une telle façon furieuse de réclamer la justice était au rebours de la justice, en aurait écarté les justes.

Dupuy, à la Chambre, se surpassa, trompa tout le monde.

La lettre de Lebret, sur les poursuites contre Mercier, eût dû être communiquée dès le début de la séance. Il prit soin qu’elle parvînt tardivement à Deschanel. De cette façon, l’interpellation s’engagera seulement sur l’affaire d’Auteuil.

Comme cette majorité, à la fois inquiète et indignée

  1. Jaurès, dans la Petite République du 5 juin 1899.
  2. Gohier, dans l’Aurore, etc.