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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/412

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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


lonel Henry est mort, M. Du Paty de Clam ne vient pas ! »

Si la défense avait cité les autres juges de 1894, comme je l’avais conseillé, on les eût entendus sur l’heure, confrontés, à l’improviste, avec Maurel, avec Freystætter ; mais elle s’était méfiée d’eux, ce qui n’était ni juste, ni politique (ni bon pour Freystætter), et elle continuait à s’en méfier alors qu’il était temps encore de réclamer du pouvoir discrétionnaire de Jouaust leur comparution immédiate ; Mercier, en ne la demandant pas lui-même, montrait son inquiétude à leur endroit.

Autre erreur de la défense :

Selon Maurel, sa conviction, en 1894, ainsi que celle de trois autres juges, a été faite à l’audience où, d’ailleurs, « l’attitude de l’accusé a été ferme et absolument correcte pendant tous les débats » ; cependant, « il n’a été éclairé d’une manière complète » que par la première pièce du dossier secret, celle qu’il a lue lui-même, à haute voix[1], et que Freystætter, sans qu’il le démentît, résumait ainsi : « Une notice biographique imputant à Dreyfus des trahisons commises à l’École de Bourges et à l’École de guerre[2]. » Or, ni Demange ni

  1. Rennes, I, 194 et 195, Maurel. — Voici en quels termes la déposition de Maurel est racontée dans la Libre Parole (édition du soir) du 24 août 1899 : « Le colonel Maurel, Dreyfus légalement condamné. Le colonel Maurel vient à la barre, il dépose et, d’un seul mot, il détruit une légende, celle qui avait attiré à Dreyfus l’appui de quelques partisans de bonne foi. Oui, un pli lui a été porté en 1894, par le commandant Du Paty de Clam, sur l’ordre du ministre, pour être ouvert en chambre du conseil. Mais ce pli n’a pas été ouvert, il n’en a pas donné connaissance aux juges. Sa conviction et celle de ses camarades étaient complètement établies par les débats… Qu’importe que, pour tâcher de faire disparaître l’impression écrasante dû ce témoignage, Labori ait voulu faire un incident avec le général Mercier. Le témoignage n’en reste pas moins entier, avec toute son importance : Dreyfus a été légalement jugé en 1894. »
  2. Rennes., I, 399, Freystætter.