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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/235

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LE BORDEREAU ANNOTÉ


qui trouvèrent preneur : le préfet de police, ami intime des Humbert, a favorisé leur fuite ; Bulot, procureur général, était leur homme ; ils avaient versé des sommes considérables au gouvernement pour ses besoins électoraux[1]. Quand on découvrit le nom du beau-père de Dreyfus sur la liste des créanciers, on en tira que les prêts[2] qui avaient été consentis à Thérèse par le négociant en diamants étaient le prix de l’influence qu’elle avait mise au service du Syndicat, alors que les prêts dataient de 1893 et que Hadamard avait été simplement dupe comme tant d’autres.

Une imagination aussi extravagante ne pouvait pas manquer de séduire Du Paty. Il s’était trouvé soudainement guéri, au lendemain du procès de Rennes, et cherchait, depuis lors, toutes les occasions de se mettre en évidence. André ayant refusé de le recevoir[3], il demanda au juge, chargé de l’instruction contre les Humbert, de l’entendre[4], lui fit une histoire ou l’argent prêté par Hadamard à Mme Humbert avait servi à obtenir de l’administration des postes un texte falsifié de la dépêche de Panizzardi[5], mit en cause un diplomate (Fernand Gavarry) dont la créance sur Thérèse lui paraissait suspecte[6], et alla colporter ces insanités dans les journaux. Il fallut que Gavarry s’expliquât, établit la légitimité de sa créance. Mais Du Paty n’en démordit point et annonça qu’il fournirait ses preuves devant la Cour d’assises où il se ferait citer.

  1. Lemaitre, dans l’Écho de Paris du 10 mai 1902.
  2. Deux prêts, l’un de 180.000, l’autre de 325.000 francs.
  3. 25 et 30 novembre 1902.
  4. Tribunal de première instance, 11 décembre 1902 : « Il m’a fallu une étude approfondie et des recherches minutieuses pour coordonner ces faits. »
  5. Voir p. 144.
  6. Gaulois du 3 et du 4 janvier, Temps du 5 janvier 1903.
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