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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/285

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L’ENQUÊTE


Mon livre, parce qu’il n’était pas un panégyrique, était un pamphlet. J’avais montré les erreurs, les hésitations de Scheurer. Pourquoi aurais-je caché celles de Picquart ? Il fallait à ses dévôts un saint, un héros parfait ; ils eussent trouvé sévères les bollandistes.

On me poussa à répliquer, mais je m’y refusai, parce que c’eût été engager une polémique, élargir, creuser davantage le fossé, risquer de nuire à Dreyfus.

Picquart, sous quelque impulsion qu’il ait écrit sa lettre, se doutait que les nationalistes lui feraient grand accueil, surtout que les avocats de Mme Henry la porteraient à l’audience. Chenu ni Saint-Auban n’y manquèrent ; c’était « ma condamnation et ma flétrissure ». Lailler dit, avec beaucoup de fermeté, qu’un fait, attesté par Picquart, était acquis, mais que ses appréciations ne s’imposaient pas comme des vérités révélées. Il n’est pas interdit de les discuter. Picquart, de son propre aveu, s’est déjà trompé ; dans ce cas particulier, il convient d’attacher plus d’importance à l’opinion d’un historien comme Monod. Or, Monod a écrit à plusieurs reprises que « j’avais fait la preuve de la connivence d’Henry avec Esterhazy » ; que « tous les actes d’Henry, depuis l’arrivée du bordereau jusqu’à sa mort violente, restaient inexplicables », s’il n’était pas le complice d’Esterhazy ; et « qu’il était difficile de comprendre comment Picquart pouvait émettre des doutes sur le caractère de défense personnelle de toute la conduite d’Henry ». Monod avait autorisé Lailler à donner à la Cour lecture de ses lettres et à les verser au dossier[1].

  1. Lettres du 30 juin 1902 et du 3 mai 1903. (Plaidoirie de Lailler dans la Revue des Grands Procès, novembre 1903, n° 11, 672.) — J’ai déjà dit que Zola était également convaincu de la complicité d’Esterhazy et d’Henry. (Voir p. 14 et t. IV, 436 et 621.) Dans ses notes sur son roman Vérité (Voir p. 181), où il