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Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/339

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L’ENQUÊTE


linden, Roget et Cuignet lui-même[1], Lauth et Junck, Rollin, Mareschal et François, Gribelin, qui en a entendu parler pour la première fois à Rennes. Picquart, pendant qu’il était au ministère, n’en a rien su. Pauffin affirme qu’il ne les connaissait pas, « qu’il n’a parlé d’aucun document d’aucune sorte » à Rochefort, le jour où il est allé lui rendre visite, dans l’intérêt de Boisdeffre, mais de son propre mouvement.

Ainsi fut extirpée la légende qui avait empoisonné la conscience des juges de Rennes.

Une autre légende, aussi absurde, mais moins vénéneuse, que j’avais signalée à la Cour, fut arrachée par la même occasion. Le journaliste anglais Rowland Strong avait entendu d’Esterhazy[2], Quesnay, d’un inconnu[3], Galliffet d’un chambellan du Tzar, rencon-

    levé : « M. d’Ocagne me dit que M. Joseph Reinach avait entretenu la princesse Mathilde de sa certitude de l’innocence de Dreyfus et qu’il avait ébranlé la princesse. Il ajoute que, heureusement, le général de Boisdeffre, prévenu, était venu à deux reprises chez la princesse et l’avait entièrement rassurée en lui faisant connaître des preuves formelles de la culpabilité de Dreyfus. J’ajoute que, deux ou trois jours après, il me dit que le bruit courait dans certains journaux que le général de Boisdeffre aurait montré à la princesse Mathilde une lettre autographe de l’Empereur d’Allemagne nommant Dreyfus ; il ajouta que cette nouvelle était absolument fausse et me pria de la démentir si j’en entendais parler. » — D’Ocagne : « J’affirme d’une façon absolue que la princesse n’a jamais fait allusion à cela devant moi. » — 15 mai 1904, Émile Straus : « La princesse a fini par me dire : « Le général de Boisdeffre a vu des lettres de l’Empereur d’Allemagne à Dreyfus. » — 11 juin 1904, André Chevrillon : « M. Pichot, ancien directeur de la Revue Britannique, allant chez la princesse Mathilde, lui avait entendu dire qu’elle connaissait, par le général de Boisdeffre, l’existence de lettres d’un souverain étranger. »

  1. « Cette histoire n’est pas vraie… C’est une légende. » Il ajouta cependant que « cette légende n’était ni fantastique, ni grotesque, ni ridicule ».
  2. Voir t. III, 563.
  3. Voir t. V, 222.