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Page:Journal asiatique, série 1, tome 2.djvu/156

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Comme deux planches, flottant sur le grand réservoir des eaux, se rencontrent, et après se séparent pour toujours ; de même ici-bas les hommes se rencontrent et se quittent pour jamais.

Le corps est un composé de cinq élémens ; pourquoi donc se lamenter, quand chacun de ces élémens retourne au principe d’où il émane ?

Autant l’homme se fait d’amis chers à son cœur, autant la douleur enfonce d’aiguillons dans son âme.

Car, tu le sais, la naissance est l’annonce d'une mort inévitable ; réunis un instant, nous sommes séparés pendant des milliers de générations.

Quand il faut rompre le lien d’une douce amitié, la séparation est aussi cruelle que le changement terrible qui prive l’homme de la lumière et le plonge dans les ténèbres.

Les torrens se précipitent vers les fleuves, rien ne peut en arrêter le cours ; ainsi s’enfuit la vie des mortels ; ainsi s’échappent les jours et les nuits.

Où goûter ici-bas le bonheur, si ce n’est dans la société de l’homme vertueux ? Bonheur fragile, dont le terme est la séparation et la douleur !

Aussi le sage fuit-il la société de ses semblables ; il sait qu’il n’est pas de remède pour le cœur blessé par le glaive de la séparation.

Sagara et d’autres puissans monarques se sont illustrés par de grandes actions ; ils sont morts, et leurs actions, toutes grandes qu’elles étaient, ne leur ont pas survécu davantage.

Quand la mort frappe nos enfans avant le tems, et que la douleur, comme un fer cruel, pénètre et déchire notre âme, le seul remède à ce malheur, c’est de n’y point penser. »