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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

n’entend rien à l’administration, et qu’il connaît encore moins l’humanité.


2 juin. — Dîner à la campagne chez le maréchal de Ségur. L’archevêque de Bordeaux assiste au repas. On le dit intimement lié avec M. Necker. Nous causons un peu sur la politique, et je propose que le roi coupe le nœud gordien que les États généraux ne peuvent arriver à défaire, c’est-à-dire qu’il rédige lui-même la future constitution et qu’il la soumette à leur examen. Il croit que l’on sera obligé d’en venir à quelque expédient de ce genre. Je reviens à Paris, et sur mon chemin, j’admire le panorama de cette vaste cité, du haut d’une colline. Elle occupe un espace immense. Je fais un tour au Palais-Royal, puis je vais souper chez Mme de Flahaut. Je m’y ennuie à mourir et j’éprouve une difficulté extrême à rester éveillé.


3 juin. — Je vais cet après-midi chez M. Jefferson. La conversation roule sur la politique. Il semble désespérer de voir jamais les États généraux faire quelque chose de bon ; cela vient de ce qu’il désire trop un gouvernement franchement républicain. Dans ce pays-ci, les littérateurs, examinant les abus de la monarchie, s’imaginent que tout ira d’autant mieux à l’avenir que l’on s’éloignera davantage des institutions actuelles, et, dans leurs cabinets, ils voient les hommes, tels qu’ils sont nécessaires à leurs systèmes. Malheureusement de tels hommes n’existent nulle part, et encore moins en France. Je suis plus que jamais persuadé que la forme de gouvernement qui m’a paru d’abord convenir le mieux à ce pays, sera finalement acceptée, peut-être pas exactement telle que je la voyais, mais sous une forme encore meilleure. Je prends en passant une tasse de thé au café du Palais-Royal, puis je vais au club de Valois, dont je suis membre depuis peu de temps. Rien de remarquable ici. Je vais chez Mme de Flahaut qui me retient à souper.