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Page:Journal des économistes, 1842, T1.djvu/9

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de la condition des peuples, il convient de séparer avec plus de soin les résultats imputables à l’organisation industrielle proprement dite, de ceux qui découlent des institutions civiles et politiques. On aurait ainsi vu qu’il existe de l’autre côté du détroit certaines misères qui ne sauraient nous atteindre et pour lesquelles, au point de vue national, on n’aura jamais rien à stipuler. L’étude des besoins physiques d’une race faisait également partie de ce grand problème. Il fallait se demander pourquoi ce qui pourrait suffire à la consommation hebdomadaire d’un Espagnol, ne suffit pas à la consommation quotidienne du plus misérable des Anglais. Cet accroissement des besoins, à mesure que se développent les moyens de les satisfaire, est un phénomène d’un ordre supérieur ; et on pourrait en tirer cette conclusion déjà soupçonnée, que l’équilibre des joies et des peines tend toujours à se rétablir ici-bas, et que la prospérité et la misère n’existent que dans des termes essentiellement relatifs.

Mais, quelles que soient les réserves que l’on puisse faire, et en réduisant les choses à leur juste mesure, il n’en est pas moins certain que la destinée des classes laborieuses est digne de toute la sollicitude des économistes, et qu’ils ne sauraient donner à leurs recherches un mobile plus élevé et plus généreux. Des symptômes singuliers se déclarent au sein des populations manufacturières. D’un côté, se reproduisent ces coalitions des ouvriers contre les maîtres, lutte de ceux qui ne peuvent pas attendre contre ceux qui le peuvent, triste duel qui se termine toujours par des capitulations douloureuses. Des mécomptes successifs n’ont pas suffi pour éloigner ces manifestations déplorables dans lesquelles l’ouvrier apporte comme enjeu son existence même et celle de sa famille, tandis que le maître n’expose, à la rigueur, que la prospérité de son établissement. Les interruptions de travail éclatent de nouveau : naguère c’était dans la fabrication des papiers peints, hier dans la dorure sur bronze. Cette formidable question du salaire, qui a tant de fois agité Londres et Manchester, reste donc intacte. Parmi les chefs d’industrie, une autre tendance se déclare. Les souffrances issues du choc des rivalités ont amené le désir de s’entendre ; la concurrence menace de se transformer en coalition. Au lieu d’agir isolément et de courir à leur ruine par le chemin du rabais, divers manufacturiers, et dans plusieurs