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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/124

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j’aille passer trois heures avec des gens chez qui je n’irais pas déjeuner ? » Que ce soient ceux des Corbeaux ou de la Parisienne, on n’a pas la moindre envie d’être en tête à tête avec eux.

Lorsque j’ai mis un élève ou un jeune comédien en confiance, il m’arrive souvent de lui demander, pour que son « culte du héros » me révèle sa mentalité profonde : « Quel est, dans le répertoire théâtral, le personnage que tu souhaiterais être ? » Dans toutes les réponses ou les confessions qui m’ont été faites, jamais, parmi ces personnages, ces héros, je n’ai entendu le nom d’un héros de Becque.

Anatole France écrivait : « Les personnages de Becque sont pauvres, étriqués, mesquins et parfaitement vulgaires ! Je me figure qu’ils habitent dans de petites rues étroites et sombres, où la vie se fait toute menue, où les vices eux-mêmes se replient sournoisement, faute d’espace pour s’étaler. »

Et Claude Berton a très justement écrit : « Becque n’aimait pas les personnages de ses fictions. On ne le sentait animé pour ses héros ni de tendresse, ni de bonne grâce, ni d’indulgence. » (Même sa Clotilde de la Parisienne, il ne l’a pas aimée : elle en souffre, et nous avec elle.) « L’écrivain, et surtout l’écrivain de théâtre qui s’adresse directement au public, si violente et si passionnée, si puissamment satirique que soit son œuvre, y doit mettre un peu d’amour pour les hommes »

Et c’est pourquoi la Parisienne nous laisse un goût