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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/132

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ton que le début du Misanthrope : c’est de l’art dramatique pur.

Becque aimait profondément Molière : « Si je m’écoutais, je n’aurais pas d’autre auteur dans ma bibliothèque », écrivait-il.

Il y a encore, pour un homme de théâtre, un indice caractéristique du classicisme de Becque : les personnages n’ont pas d’emploi physique, c’est-à-dire que le physique de l’acteur importe peu pour l’exécution du rôle. Qu’Alceste soit grand ou petit, Oronte maigre ou gras, cela est indifférent. Il suffit que le comédien prenne le ton, l’humeur et l’esprit du personnage pour en donner parfaitement le dessin dramatique et faire vivre l’intrigue. Antonine, la créatrice du rôle, était une personne d’importance. Mais Reichenberg, qui reprit le rôle à la Comédie-Française, était assez fine et menue pour jouer Éliacin, dont Mme Berthe Bovy exprime, elle aussi, merveilleusement l’incomparable poésie. Pierre Lièvre dit : « La Parisienne ne manque pas d’une certaine apparence éternelle. Elle la doit d’abord à la simplicité de sa donnée et au caractère permanent des sentiments comme des situations qu’elle expose ; ensuite à la nature de son style, à la fois puissant et incolore, où, par l’effet d’un choix exceptionnellement rigoureux, ne figurent point d’idées, ni de mots, exposés au vieillissement.

« Cinquante ans sont passés depuis sa création, et malgré les mauvais sorts, les chutes retentissantes, après bien des pérégrinations, en dépit d’un insuccès