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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/147

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point la politique par laquelle il avait acquis un titre de représentant du peuple — mais cette politique dont il a créé le ton et le style, et qui faisait de lui en toutes circonstances un étonnant orateur.

La gloire de Hugo vivant a empêché la gloire de Hugo mort, et sa « démesure » effare ceux qui voudraient l’aimer.

Léon-Paul Fargue écrivit de lui :

« Hugo, c’est vraiment l’honneur de la profession. Je l’ai vu, alors que j’étais à peine gamin, qui sortait un jour de sa maison de l’avenue d’Eylau. C’était un très vieux monsieur à barbe blanche dont la silhouette et la démarche électrisaient la rue. J’ai eu, ce jour-là, la révélation de ce qu’il était, de ce qu’il devait être, de ce qu’il sera toujours : un père Noël. Un père Noel qui a déposé des jouets jamais vus encore, des jouets merveilleux, des jouets insensés dans les souliers de la littérature. »

Des jouets insensés ! Ou, ce sont là les cadeaux qu’il a fait au théâtre français. Des jouets ! Mais les jouets ne sont pas ce qu’ils représentent — ils sont ce qu’on en peut faire. Toute la question théâtrale est résumée dans ce point de vue du jeu et du jouet. Et Maurois écrit quelque part, rapportant des souvenirs :

« Nous acceptions tout, nous acceptions le cor d’Hernani et la scène des portraits, parce que c’était Mounet. »

Ce même Mounet magnifique, qui, sortant de scène haletant, ruisselant de sueur, se laissait choir au Foyer