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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/148

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de la Comédie-Française et chuchotait dans le plaisir de son triomphe et dans son essoufflement : « Il faut jouer cela comme des enfants. »

C’est la part de sincérité et de foi qu’apporte un comédien dans les rôles de Hugo qui fait encore passer, sur la foule attentive, ce grand souffle de lyrisme qui l’enthousiasme.

C’est avec un esprit candide et émerveillé qu’il faut assister aux représentations des pièces de Hugo. C’est sans doute ce que veut dire André Thérive quand il écrit : « Hugo a laissé des pièces délicieuses pour qui aime le guignol gigantesque. »

La grande erreur, toujours la même, plus flagrante encore avec l’auteur des Burgraves, c’est de lire ses pièces ou de les juger littérairement. On veut refuser à l’auteur de Ruy Blas le génie dramatique, parce qu’on le juge à froid. La tirade qui fait la grandeur de Hugo dramaturge, devient alors parfaitement inacceptable.

Et pourtant, c’est cette tirade même qui, à la représentation, crée l’extase d’une foule, et déchaîne son enthousiasme.

Il faut avoir senti déferler cette houle, ce roulis et ce tangage humains dans l’entonnoir du théâtre d’Orange pour comprendre la vraie valeur d’Hernani, pour juger aussi l’océan populaire soulevé par le souffle et le vent lyrique du poète. Tout est conçu pour le couplet, et si l’acteur a su attaquer et chanter juste pour amener cet « instant dramatique » et créer cette stase chère aux musiciens et aux chanteurs d’opéra, la partie est