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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/149

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gagnée. Hugo est un grand bonhomme, mais c’est un dramaturge qu’il ne faut pas analyser.

Il faut se laisser aller au « coup de gueule », qui termine sa cantilène. Il faut suivre la courbe sinueuse et fusante à la fin de son « arioso ». On peut dire que ses moyens sont artificiels ou exclusivement musicaux. Mais le résultat est immanquable.

Seule une histoire du drame lyrique pourrait expliquer la préface de Cronmwell et le but poursuivi par Victor Hugo.

Hugo s’est souvenu des tragédies antiques, tout comme Wagner hanté par les mêmes idées, mais la réussite du musicien est plus évidente.

Dans les cérémonies antiques, modulées ou psalmodiées, on trouve déjà en germe ce qui résume le lyrisme de Hugo : incantation, transe, rythme, poésie, plus tard ce sera le chant — suivant la conception de l’opéra italien — ce sont les mêmes constantes entre la parole et le chant, la pensée et la musique.

Au grand siècle de la tragédie classique, c’est la pensée qui s’exprime dans une déclamation monodique ou variée — mais où le sentiment engendre le rythme, le chant du texte. L’opéra naissant apporte le récitatif — avec la prédominance de la musique. On aboutit alors au couplet, au grand air, à l’arioso, car la pensée devient nuisible au charme musical.

Hugo, c’est de l’opéra — et alors François Ier est plus à l’aise dans Rigoletto que dans le Roi s’amuse, et le récit du Cid, en dépit des théories de l’auteur, est