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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/150

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beaucoup plus dramatique et plus vivant que la tirade de Triboulet ou de Saint-Vallier.

Dans Racine ou dans Corneille, l’action conduit la pièce ; dans Victor Hugo, elle ne sert qu’à provoquer le couplet, le grand air de bravoure — c’est de la prestidigitation théâtrale — et le début de Cromwell c’est le début du Courrier de Lyon.

« Si vous voulez bien chanter ma musique — disait, en ce temps-là, Lulli — allez entendre la Champmeslé. »

Plus tard, Francesco de Santis affirmait, dans sa leçon d’ouverture à la Sorbonne : « Autant la parole, comme moyen d’expression, est puissante, autant, quand elle ne s’adresse qu’aux sens, elle est inférieure à tous les autres instruments dont l’art dispose pour l’imitation de la nature et de la vie. »

Ce qu’il faut dire surtout, c’est que Casimir Delavigne engendra Ponsard, qui engendra Victor Hugo, qui engendra Henri de Bornier, qui engendra Edmond Rostand.

Hugo est un grand poète, sans doute, et un dramaturge contestable, mais je ne lui en ferai pas grief. Cependant, je songe avec mélancolie que, sans lui, Musset eût été peut-être notre Shakespeare et que si Balzac n’a pas réussi au théâtre, c’est par la faute d’Hernani.

Il n’est pas question de prendre parti pour ou contre Hugo : il existe au delà de toute expression littéraire. Mais on peut dire de lui ce que Hugo disait de Gœthe : « Il est surfait ; il est temps de l’installer