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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/176

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tout à fait exact, car cette définition est aussi celle de l’entremetteur.

Et si je vous demandais maintenant quel est le nom de celui qui a charge d’âme et d’esprit, celui dont le souci est la grandeur et la beauté, dont les préoccupations sont le respect des mœurs, l’intelligence publique, l’éducation du peuple, l’élan à donner aux artistes, bref une sorte de propagande où la société alimente sa politique, sa religion et sa morale ? Cet homme, moralité et intelligence publiques, n’est ni un prêtre, ni un moraliste, ni un pédagogue, comme vous pourriez le supposer, c’est celui auquel vous pensiez tout à l’heure, c’est aussi le directeur de théâtre.

Tels sont les deux aspects de la fonction du directeur.

Un jour, Frédérick Lemaître — qui fut le grand acteur de l’époque romantique — assistait dans le bureau d’un directeur à la signature d’un contrat avec un auteur. Les débats étaient longs, pénibles et humiliants. Dans le désir d’être joué, ayant pris à sa charge depuis les copies du manuscrit jusqu’à la peinture des décors, sans compter la dépense des costumes, l’auteur se disposait enfin à se retirer lorsque Frédérick, posant sa main sur le bras du directeur, lui dit, en désignant le visiteur :

— Vous avez oublié quelque chose.

— Quoi donc ? fit l’homme du théâtre.

— Monsieur a encore sa montre !

Les directeurs sont des gens décriés parce qu’ils ne