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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/194

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sous les yeux ébahis de son nouveau pensionnaire, porte son cachet à deux cent un francs, en lui disant : « C’est un cadeau ! », parce que, jusqu’à deux cents francs par jour, d’après les usages corporatifs, le directeur doit fournir à l’acteur ses costumes de scène.

C’est lui qui, avant reçu une pièce en cinq actes, et ne voulant plus la jouer, persuade l’auteur de la refaire en trois actes, parce que le dédit à payer est proportionné au nombre d’actes.

C’est lui qui dit, en regardant avec tristesse un ciel sans nuages et fait pour les promeneurs : « Quel temps sinistre ! » et, lorsque vous vous exclamez de déception devant la pluie du dimanche matin, il répond, tout rayonnant :

— Il pleut pour quinze mille francs.

C’est lui qui, spécialiste du Bottin, fait envoyer des places de faveur, pour remplir la salle, à toute la tribu des Dupont, des Durand ou des Lévy. Et à son principal actionnaire, qui manifeste son mécontentement du vide des fauteuils, il réplique : « Mon cher, si le théâtre ne marche pas, la limonade va très bien », parce que le bar du théâtre fait tout de même des bénéfices.

Il appelle une escarpolette, une escarcelle, ou vice versa. Au metteur en scène qui demande de placer un arbre véritable dans le décor, un if, par exemple, il accorde tout à coup, avec allégresse, sans marchander, « deux nifs ou trois nifs », s’ils sont nécessaires au succès. C’est lui qui, lisant le manuscrit, signale qu’on