Aller au contenu

Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mauvais lieu, mais il subit son pouvoir mystérieux et, par un miracle quasi ecclésiastique, il n’arrive cependant pas à être tout à fait misérable ni répugnant. Dans une époque où la base de notre système politique, où la première loi morale dans notre société est l’argent, où tout est pour et par l’argent, il est excusable. Il a souffert et souffrira suffisamment de ce métier pour mériter des indulgences plénières, et sa générosité, son dévouement, sont encore visibles dans l’amas de ses turpitudes. Même muni de principes, il ne saurait les utiliser. Vouloir que les hommes plongés dans le gouffre d’une industrie semblable cherchent à être des moralistes, c’est vraiment trop leur demander. En dépit de tout le mal qu’on en a dit, et malgré mes propres médisances, je me sens tout prêt à les absoudre et à les plaindre. Ce n’est pas la faute de ceux qui s’encanaillent si la société qui les méprise leur permet ou les oblige à s’encanailler.

Et maintenant, nous allons considérer les fonctions de directeur du point de vue où elles sont légitimes — c’est-à-dire plausibles et efficaces — où ces prérogatives sont justifiées par des vertus professionnelles.

Cette investiture du directeur peut lui être conférée soit pour la valeur exceptionnelle de ses dons d’interprète qui font de lui un héros de théâtre, et c’est l’acteur qui devient chef de troupe ; soit encore en tant que créa-