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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/205

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dont sont tissus les sentiments qui vont habiller et revêtir l’œuvre de son rire ou de son émotion.

Jardinier des esprits, médecin des sentiments, horloger des paroles, accoucheur de l’inarticulé, ingénieur de l’imagination, cuisinier des propos, régisseur des âmes, roi du théâtre et valet de chambre de la scène, escamoteur ou magicien, essayeur et pierre de touche du public, conférencier, diplomate, économe, nourrice ou chef d’orchestre, peintre et costumier, exégète, intransigeant ou opportuniste, convaincu et hésitant, on a cent fois tenté de le définir, mais il est indéfinissable, car ses fonctions sont indéfinies. Tout amour et toute tendresse pour ceux qu’il a choisis ou pour l’œuvre qu’il travaille, son souci est seulement de voir poindre, en se haussant, cet au-delà miraculeux qui s’exprime par la réussite.

Mettre en scène, c’est vivre dans les affres de l’oppression et les délices de l’angoisse. C’est, dit Paul Valéry, « la tragédie de l’exécution ». Le metteur en scène, quand il est directeur, choisit d’abord la pièce, distribue les rôles à des acteurs de sa prédilection, fait dessiner ou dessine les maquettes des décors et des costumes dont il surveille la réalisation, tandis que, simultanément, il organise et dirige les répétitions. Il compose les entrées et les sorties des comédiens, les déplacements sur la scène, cette espèce de danse que sont les mouvements exécutés durant le jeu. Il règle les bruits de coulisses, la musique, et distribue sur le spectacle la lumière : bref, il ordonne d’ensemble et en détail tous les gestes et toutes les particularités de cette cérémonie