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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/63

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soit le style ou l’habit qu’on lui donne, l’aspect moral qu’on lui prête, la lumière dont on le baigne, l’angle visuel sous lequel on veut le présenter, quels que soient les ornements dont on le surcharge ou dont on le dépossède, le héros, à travers les époques et les sociétés, à travers les siècles, reste vivant, perpétuellement énigmatique, indéfiniment adaptable, immortel.

Dans ce sens, les personnages de Beaumarchais ne sont pas des héros de théâtre.

Il serait aisé de disséquer un personnage comme celui de Basile, pour montrer l’indigence dramatique de ce sinistre baladeur dont l’essentiel se résume en son couplet sur la calomnie, sorte de morceau de bravoure, dans le style du bel canto italien et que le comédien cherche en vain à animer par des mines excessives et par un costume généralement trop pittoresque. Ce personnage reste inexprimé et toute sa valeur humaine réside dans le morceau littéraire qu’il déclame. Il appartient à l’opéra.

J’ai joué Brid’oison et je n’en dirai pas de mal. Mais c’est un rôle dont l’humanité s’exprime vestimentairement et par ce que la médecine appelle une névrose de la parole, c’est le bégayeur des farces italiennes. Molière, dans le Macroton de L’Amour médecin, a fait un type infiniment plus vivant et plus convaincant. J’en parle par expérience, ayant habité chez ces deux personnages.

Lorsqu’on joue un personnage de Molière, on est nourri par lui. On peut incarner un personnage de