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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/64

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Beaumarchais sans subir moralement d’augmentation de poids.

Il serait malséant de faire de l’esprit quand on parle de Beaumarchais, aussi est-ce sans malice que je dirai que le premier métier de l’auteur du Mariage de Figaro a certainement influencé son métier d’auteur dramatique : « L’horloger Augustin Caron a fait faire à Beaumarchais des personnages d’horlogerie. »

Je n’ai pour Beaumarchais aucune tendresse car je n’ai jamais pu avoir avec lui aucune intimité. Si je voulais définir ici la mise en scène et la conception intimiste que j’en ai, je dirais que le point de départ du travail du régisseur est dans cette accointance affectueuse, ces pensées ou ces sentiments secrets du poète ou de l’auteur. Je dirais que c’est dans le recueillement de son intimité que l’on trouve l’explication et le sens de son œuvre. Si la vie d’un écrivain n’a jamais expliqué son œuvre, s’il est vain de chercher à déceler celle-là dans celle-ci, l’homme qui tient une plume — et c’est l’emblème de Figaro — contracte par son œuvre une sorte d’hypothèque sur sa vie privée, laquelle témoigne de l’authenticité de ses vertus et de sa vocation professionnelles. Il m’est impossible, dramatiquement, devant les pièces de Beaumarchais, d’ignorer quelle fut son existence. Et je ne trouve en elle aucun témoignage de ces vertus et de cette vocation.

Il m’est nécessaire d’aimer tendrement les auteurs que je sers ou que j’interprète. J’ai de la tendresse pour Molière, pour Gœthe, pour Shakespeare, pour