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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/65

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Marivaux et pour Musset ; je n’en ai aucune pour Beaumarchais. Que ce soit dans l’incarnation de ses personnages ou dans sa vie privée, Beaumarchais ne saurait en susciter en moi.

Singulière prétention de la part d’un exécutant qui se hausse jusqu’au rôle de juge. J’en fais l’aveu publiquement et sans pudeur, car c’est l’explication de mes propos.

Et pour justifier cette rétivité qui n’exclut pas l’admiration et qui n’entamera pas, j’espère, celle que vous pouvez lui porter, je résumerai maintenant la vie de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais. Horloger, musicien, chansonnier, dramaturge, auteur comique, homme de plaisir, homme de cour, homme d’affaires, financier, manufacturier, éditeur, armateur, fournisseur, agent secret, négociateur, publiciste, tribun par occasion, homme de paix par goût et, cependant, plaideur éternel.

Voici, écrit par lui-même, un premier résumé de sa vie

« Dès ma folle jeunesse, j’ai joué de tous les instruments ; mais je n’appartenais à aucun corps de musiciens ; les gens de l’art me détestaient.

« J’ai inventé quelques bonnes machines ; mais je n’étais pas du corps des mécaniciens, l’on y disait du mal de moi.

« Je faisais des vers, des chansons ; mais qui m’eût reconnu pour poète ? J’étais le fils d’un horloger.