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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/66

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« N’aimant pas le jeu du loto, j’ai fait des pièces de théâtre, mais on disait : « De quoi se mêle-t-il ? Ce n’est pas un auteur, car il fait d’immenses affaires et des entreprises sans nombre. »

« Faute de rencontrer qui voulût me défendre, j’ai imprimé de grands mémoires pour gagner des procès qu’on m’avait intentés, et que l’on peut nommer atroces ; mais on disait : « Vous voyez bien que ce ne sont pas là des factums comme les font nos avocats. Il n’est pas ennuyeux à périr ; souffrira-t-on qu’un pareil homme prouve sans nous qu’il a raison ! Inde iræ ! »

« J’ai traité avec les ministres de grands points de réformation dont nos finances avaient besoin ; mais on disait : « De quoi se mêle-t-il ? Cet homme n’est point financier. »

« Luttant contre tous les pouvoirs, j’ai relevé l’art de l’imprimerie française par les superbes éditions de Voltaire, entreprise regardée comme au-dessus des forces d’un particulier ; mais je n’étais point imprimeur, on a dit le diable de moi. J’ai fait battre à la fois les maillets de trois ou quatre papeteries sans être manufacturier ; J’ai eu les fabricants et les marchands pour adversaires.

« J’ai fait le haut commerce dans les quatre parties du monde ; mais je n’étais point déclaré négociant. J’ai eu quarante navires à la fois sur la mer ; mais je n’étais point armateur ; on m’a dénigré dans nos ports.