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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/143

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VISIONS DE L’INDE

sons que les balles et les boulets maltraitèrent sont restées telles quelles par la volonté des vainqueurs. Les Anglais décidèrent de rendre un hommage permanent à leurs soldats ; leur triomphe si durement acheté revêt ainsi pour les indigènes, gens d’imagination, un signe durable et visible[1].

Je parcours les débris des chambres anéanties par la mitraille ; je regarde les piliers massifs troués par les projectiles, je descends dans les caves où les enfants et les femmes trouvèrent un refuge et où les boulets les poursuivirent partout. Car le trou béant, fait par l’un d’eux tombé d’un soupirail, demeure comme une blessure encore ouverte. La femme qui était adossée à ce pilier mourut d’effroi. Mon camarade se délecte aux anecdotes sanglantes que le

  1. Tous les livres sur l’Inde, et non seulement les guides anglais, mais encore les improvisations écrites par des Français excursionnistes remémorent longuement cet incident moderne de la guerre des cipayes, guerre qui, en somme, n’a pas une valeur plus considérable que nos campagnes à Madagascar ou au Tonkin. J’en ferai grâce à mes lecteurs ; elle relève plutôt de l’histoire britannique. D’ailleurs, elle est loin de m’intéresser autant que le moindre épisode du Mahabaratta. J’aime l’Inde « indienne » ; c’est elle, avec sa légende, sa philosophie, ses religions, en son âme asiatique, qui a passionné mon cerveau de jeune homme… C’est elle surtout que j’ai regardée, c’est elle qu’il m’est doux de décrire. Je me contenterai donc de rappeler que c’est à la Résidence que fin mai 1857, sir Henri Laurence avec les troupes royales et la population européenne s’enferma pour résister à la révolte des cipayes de Lucknow. Il y mourut ; et les assiégés que, déjà, le général Havelock était venu secourir, ne furent délivrés qu’en novembre par sir Colin Campbell après quelles pertes et quelles souffrances !