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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/178

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VISIONS DE L’INDE

légers sous lesquels j’ai froid. Et quand je les observe, il me semble que mon sang, sur eux, a coulé. J’oublie de répondre aux saints des soldats du Népaul qui passent, pareils à des Chinois jolis, tout fiers de leur costume européen. Les poupées envoûtantes oppressent mon cœur. Mes oreilles bourdonnent encore des malédictions de la sainte infâme. Bharamb me suit, sautillant sur ses pieds de singe, tout rajeuni par les cérémonies de sa race et de sa religion.

— Sâb, me dit-il, ne craignez rien…

Et comme je fais un geste d’impatience en comprenant que cet homme a deviné que j’ai peur :

— Excusez-moi, Sâb, si je vous parle si librement. Je voudrais que vous ne soyez pas troublé par la prophétie. Vous savez le verset du dieu Shiva « le Bienveillant[1] », qui préserve de tous les maléfices. Vous ne mourrez point ici.

Mais ces mots qui veulent m’apaiser, m’agitent plus encore. Alors, qui mourra ? Il n’y a guère, comme Européens à la merci du lac, à part moi, que le couple anglais rencontré dès mon arrivée à Naini-Tal. Ils aiment s’isoler des soirées entières sur cette eau tentante…

Justement je les aperçois ; lui vient d’attacher à un saule la barque fine, étroite, où chaque mouve-

  1. « Le Bienveillant » comme les « Euménides ».