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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/427

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VISIONS DE L’INDE

de chez nous ; l’un et l’autre avaient gardé un peu de notre sang dans leurs faces brunies, et je retrouvais en leurs attitudes je ne sais quoi de la morbidesse italienne… Cela avait suffi pour faire renaître mon cœur, pour apaiser quelques minutes la plaie de mon isolement. »

Nous sommes à causer tous deux seuls, mon nouvel ami et moi, sous la vérandah de l’hôtel, en face d’une nuit chargée d’odeurs exquises, de murmures et d’étoiles. Nous fumons, étendus dans ces larges et confortables fauteuils d’ici, profonds comme des divans, frais comme des nattes, avec de longs bras qui s’élargissent à l’extrémité et où l’on peut placer à portée de la main les boissons fraîches. Nous ne nous lassons pas de gloser sur cet amour, dont l’époque est avide et qui est absent de l’époque, — comme il manque à ces païennes contrées.

L’instant est propice pour songer à celles que nous avons aimées, à celle-là que nous aimons. Ces fantômes ont passé ou passeront ; et l’inconnue qui nous attend est, elle aussi, puisque nous l’ignorons, un fantôme.

Nos cœurs se dilatent, saignants, inassouvis, sous la magie des confidences, en face de ce mystérieux pays que nous avons visité sans avoir pu le comprendre. Autour de nous un infini, où les ténèbres de la terre ne sont un peu moins obscures qu’à