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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/112

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tenu le même langage à Louis XIII dans son Testament politique : « Lorsque Votre Majesté me donna grande part en sa confiance, disait-il, je puis dire avec vérité que les huguenots partageaient l’État avec elle. » Ces raisons qui préoccupaient beaucoup de bons esprits, n’étaient pas sans force. L’intolérance de son côté ne songeait pas à la politique, ou elle n’y songeait qu’en sous-ordre, pour trouver des auxiliaires dans les hommes d’État ; elle avait ses arguments à elle ; elle combattait pour sa propre main. Qu’était-ce à ses yeux qu’un huguenot, sinon un homme obstiné dans l’erreur, et qu’il fallait contraindre à rentrer dans le bon chemin, s’il n’écoutait pas les raisons et refusait de se laisser convaincre ? Et qu’était-ce qu’un ministre huguenot, sinon l’apôtre d’une erreur mortelle ? Le roi devait à Dieu, à l’Église, à sa conscience, au bonheur des peuples dont la destinée lui était confiée, de combattre par tous les moyens le fléau de l’hérésie. L’Espagne pouvait lui servir d’exemple. Malgré l’inquisition, malgré toute la vigilance d’un gouvernement absolu, l’hérésie, qui se rit de toutes les barrières, et qui prend des forces et des accroissements dans le péril, avait menacé de l’envahir. Elle avait pénétré dans le clergé, dans les cloîtres[1].

  1. Rodrigo de Valer avait, le premier, prêché la réformation à Séville. Après lui le docteur Égidius, Constantin Ponce et Vargas, et, plus tard, Lozada, un médecin, Cassiodoro, un moine, répandirent son enseignement dans l’Andalousie. Francisco Enzinas, connu dans les lettres sous le nom de Dryander, et dont le frère avait péri à Rome sur le bûcher, traduisit la Bible en espagnol. San-Roman, l’ami des frères Enzinas, mourut dans les flammes à Valladolid, laissant après lui une Église évangélique fondée, dont le premier pasteur fut un moine dominicain, Domingo de Roxas, second fils du marquis de Posa. Cazalla, don Carlos de Seso, furent ses auxiliaires. La foi évangélique eut des adhérents dans la Nouvelle-Castille et dans les royaumes de Murcie, de Grenade et de Valence. Les Aragonais, plus indépendants que le reste de l’Espagne, et plus voisins du Béarn, gouverné par des princes prolestants, embrassèrent en grand nombre la religion nouvelle. « Si l’inquisition n’y avait pris garde, dit son historien Paramo, la religion protestante aurait couru à travers toute la Péninsule comme un feu follet. » — « Tels étaient, dit Illescas, le nombre, le rang et l’importance des coupables que, si le re-