Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’édit de Nantes, on avait eu recours à un étrange subterfuge : on avait défendu par ordonnance royale d’appliquer aux réformés la qualification d’hérétiques. Il est juste de dire qu’au commencement de son règne, Louis XIV avait exécuté ponctuellement les prescriptions de l’édit. On avait même publié, pendant sa minorité, une déclaration destinée à rassurer les protestants [1] : « Voulons et nous plaît que nos dits sujets faisant profession de la religion prétendue réformée jouissent et aient l’exercice libre et entier de la dite religion, conformément aux édits, déclarations et règlements faits sur ce sujet, sans qu’à ce faire ils puissent être troublés ni inquiétés en quelque manière que ce soit. Lesquels édits, bien que perpétuels, nous avons de nouveau, en tant que besoin est ou serait, confirmés et confirmons par ces dites présentes. Voulons les contrevenans à iceux être punis et châtiés, comme perturbateurs du repos public. »

Le roi, devenu majeur, s’efforça de diminuer le nombre des protestants, en leur refusant toutes les grâces qui dépendaient de lui ; « et cela, dit-il dans une lettre à son fils, par bonté plus que par rigueur, pour les obliger par là à considérer de temps en temps, d’eux-mêmes et sans violence, si c’était avec quelque bonne raison qu’ils se privaient des avantages qui pouvaient leur être communs avec tous ses autres sujets. » Il avait encore une autre tactique, qui était de récompenser largement les conversions, et il avait fondé pour cela une caisse secrète, dont Pellisson, un nouveau converti, avait l’administration. C’était, il faut l’avouer, bien mai connaître et bien peu respecter la liberté de conscience ; mais au moins ces indignes manœuvres n’allaient pas jusqu’à la persécution violente. Bientôt on se lassa de cette douceur. Pendant une période de vingt-cinq ans, le gouvernement prit à tâche de fatiguer la

  1. 8 juillet 1643. Cf. l’arrêt du conseil du 30 janvier 1615. — Autre, du 21 mai 1652. Déclaration du 18 juillet 1656.