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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/126

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vertis et les veuves qui refusaient de se convertir furent privées de la disposition de leurs biens[1]. Le roi agit très-positivement comme représentant de Dieu, chargé de gouverner l’Église et de lui épargner au dehors les dangers et les scandales. Ses ministres, armés de nouvelles lois, ne connurent plus de bornes à leurs violences. Ils poursuivirent les protestants comme des bêtes fauves. On les ruina, on les emprisonna, on les jeta dans les galères, on leur arracha leurs enfants, on mit à mort leurs ministres, et enfin, quand le silence se fit après tant d’exécutions, on vint solennellement annoncer au roi que l’œuvre était faite, et qu’il n’y avait plus en France d’autre religion que la sienne[2].

Il le crut : il n’en était rien. Il avait à lutter contre deux passions plus fortes que toutes les tyrannies : l’amour de la patrie et la foi religieuse. Bientôt il fut évident que les prétendus convertis ne l’étaient qu’en apparence ; mais la fiction légale subsista, et, dès lors, la loi contre les relaps fut applicable à tout acte de protestantisme.

Je ne ferai pas le récit des scènes qui suivirent. Je ne montrerai pas les catholiques et les protestants égorgés tour à tour pendant la guerre des Cévennes. Ces ruisseaux de sang, quelle que soit la main qui les fait couler, crient au ciel contre le fanatisme. Je ne veux pas non plus montrer ces longues files de protestants enchaînés ensemble par le cou, et portant en outre des fers aux pieds et aux mains, exténués par les privations et la fatigue, accouplés à des voleurs et des assassins, à moitié expirant sous le

  1. 5 janvier 1686.
  2. Une déclaration du 8 mars 1715 apprit à la France, au nom du roi, que l’hérésie était extirpée. Cf. la Déclaration du 14 mai 1724, où l’on affirme de nouveau qu’il n’y a plus de protestants. Voici les principales mesures édictées par cette Déclaration : les prédicants punis de mort, les enfants baptisés et élevés dans la religion catholique, les médecins tenus d’appeler les prêtres au chevet des mourants.