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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/127

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bâton, et que l’on traînait à travers la France pour les attacher sur le banc des galériens à Toulon ou à Marseille. Ce fut, au dire de Saint-Simon, « une abomination générale enfantée par la flatterie et par la cruauté, qui mit nobles, riches, vieillards, gens souvent très-estimés pour leur piété, leur savoir, leur vertu, des gens aisés, faibles, délicats, à la rame, et sous le nerf très-effectif du comité, pour cause unique de religion. » Combien de ces innocents, de ces courageux, qui aimaient mieux souffrir que d’abjurer, moururent sur leur banc, après de longues années de martyre ! On voyait, selon l’expression d’un contemporain[1], « un prodigieux peuple proscrit, nu, fugitif, errant sans crime, cherchant asile loin de sa patrie. Tout retentissait des hurlements de ces malheureux. » Il suffisait, pour décréter de telles horreurs, de la volonté d’un intendant ou d’un commandant de province, car il n’y avait pas même de juge, pas de formalité, pas un semblant de procès. Quant aux enfants des réformés, objet constant de la sollicitude royale, émancipés d’abord à quatorze ans, puis à sept ans pour le fait de religion, l’édit de révocation supprimait définitivement tous les détails, et obligeait les parents à élever désormais les enfants qu’ils pourraient avoir, dans la religion catholique, apostolique et romaine[2]. Cela même ne parut pas suffisant. Ces enfants, catholiques par ordre du roi, ne pouvaient rester confiés à des parents hérétiques. Au mois de janvier 1686, un nouvel édit ordonna d’arracher à la puissance paternelle tous les enfants depuis l’âge de cinq ans jusqu’à l’âge de seize ans accomplis, de les faire élever par leurs parents catholiques, « s’ils en ont, dit le roi, qui veuillent bien s’en charger, » ou, à défaut de parents, de les mettre « sous le délai de huit jours, » dans les hôpitaux généraux les plus proches[3].

  1. Saint-Simon, Mémoires, chap. CDXIII.
  2. Art. 8.
  3. « Ayant ordonné par notre édit donné à Fontainebleau le mois d’oc-